Front

La lumière du jour m’ est apparue pour la première fois un dimanche ensoleillé du mois d’ août 58 .

Une fois passé ce bon début , mon enfance s’ est ensuite charpentée entre Paris et le Sud Ouest . Les ambiances et agitations de la ville comme celles de la campagne illuminant mes mirettes de mille sagas .

 Des moissons odorantes . Les trains à vapeur gare du nord . Des oies . Des camions Berliet . Le lait tiède de la traite . La nationale 10 . Du fumier qui fume . Le périf . De la bruyère sous les pins . La foire du trône . Des basses cours . Les péniches de la Seine qui croisent des p’tits crabes à marée basse …..

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J’ ai ressenti très tôt une forte attirance pour les outils de mon père . Et pareil, une grande curiosité pour ce que l’ on pouvait en faire . Je suivais les chantiers alentours en véritable spectateur . Mes terrains d’ aventures . Une grue en mouvement m’ activait d’ une fascination dont je ne me lassais pas . Même encore aujourd’ hui . Je trouvais dans les constructions en Meccano des joies d’ enfant dont le souvenir me reste intact . Le même plaisir d’ imaginactions que m’ ont procuré les lectures de Jules Verne .

La peinture, le dessin, se complétaient pour moi dans le même élan expressif que le bricolage . Ce que j’ ai pu réunir un jour dans un grand seau . J’ y ai mis au fond un plateau tournant entraîné par un moteur de récup fixé en dessous , pour faire gicler des coulées de peinture sur des feuilles de papier en de magnifiques motifs psychédéliques . Ce fut la première machine que je fabriquais . J’ avais 12 ans .

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Je ne suis pas allé à l’ école des Beaux Arts comme je le rêvais . Par défaut , j’ ai entamé des études en architecture dans une école parisienne . Je ne les ai pas abouti . Des pulsions libertaires et aventurières ont eu l’ avantage sur la rigueur des cours .

J’ ai repris toutefois une formation de technicien du bâtiment quelques années plus tard , et je suis donc devenu « dessinateur » ….     Bref . Passons .

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Les arts graphiques remplissant les musées et les bibliothèques , je les y ai goulûment fréquentés . De grandes émotions avec Rembrandt , Goya , Rubens , Matisse , Van Gogh , Tinguely , Gaudi, et pi bien d’ autres encore . Des plus particulières avec Picasso qui m’ a vraiment secoué et encouragé à peindre . J’ ai avancé ainsi , en mode curieux et passionné , autodidacte et gribouilleur .

La photographie m’ est venue à 20 ans avec un Zenith , antique réflex russe . Puis le labo à la maison . Le cadrage , la lumière , la mise en scène me sont apparus comme des outils complémentaires au pinceau et au crayon .  

Et j’ aime encore cette façon de pouvoir poser et transmettre mon regard sur le monde et ses multiples petites merveilles . Sans tout à fait créer , je peux tout de même là aussi me raconter .

Sculpter devint une évidente prolongation de ces bricolages . Je découvrais cette magie en une première approche par la taille d’ un bout de branche sur le balcon de l’ appartement . C’ était une petite pièce fine , très féminine . Comme mes dessins à cette époque qui étaient plutôt appliqués et fignolés . Tout empruntés de méticulosité .

Et c’ est ça qui s’ est transformé radicalement dans ma trentaine lorsque je me suis permis un premier atelier digne de ce nom . Je passais à l’ acte d’ une façon plus conséquente , en énergie , en format .  Je ne retenais rien . J’ osais .

La peinture devint physique . Des grands formats directement sur le mur , torse nu , transpirant . Je pouvais tâcher le sol , aucune importance . Le grand bénéfice de pouvoir ôter les contraintes .  J’ avais toute la place .

J’ étais libre . D’ être . De faire .

La sensualité que je voulais exprimer avait plus de corps . J’ essayais de raconter comment j’ aimais la grâce des femmes . Leur plaisir . Colorer d’ humour des p’ tites scènes de la vie , dérisoires ou anodines .

Pour tailler le bois , j’ expérimentais la tronçonneuse , et donc moins le cutter .

Une dimension plus exaltante , qui me convenait mieux . Je jouais plus fort . Comme la musique que j’ écoutais . Complément incontournable à l’ ambiance de ce local . Je baignais dans la culture punk , la bande dessinée .  Les New York Dolls ou Les Ramones ne m’ empêchaient  pas plus de pousser  Wagner . 

Le métal . C’ est dans ce lieu aussi que je l’ ai rencontré . Mon premier poste à souder m’ a ouvert des possibilités nouvelles et fabuleuses . Une matière importante pour exprimer mes obsessions constructives . Tout devient possible . Rapide . Et la matière est partout . La récupe . Je me promenais dans les décharges , chez les ferrailleurs . Ca m’ allait très bien . Les déchets sont des histoires à inventer . Le rebut se r’ habille élégant , magnifié , et devient bavard .

L’ électricité était de fait inévitable . J’ en mettais partout . En étincelles sur la ferraille . A jouer la lumière . Dans les guitares .

Cet atelier m’ a fait grandir l’ artiste . J’ ai fini par y manger , y dormir, y mettre une douche ….

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A cette même période , j‘ ai pu goûter à la scénographie par l’ installation et l’ accrochage d’ une grande exposition collective et multiforme . J’ y ai trouvé presque plus d’ attrait qu’ y exposer moi-même . La mise en scène des oeuvres me permettait  une narration métaphorique que l’ objet tout seul ne peut offrir . Une enveloppe dramaturgique à écrire en complément .

Et je me suis aussi approché du monde surprenant du spectacle et de ses coulisses . Dans un premier temps avec une compagnie de marionnettes puis une autre de théâtre . J’ intervenais comme constructeur, ingénieur à bricoles . Puis ensuite comme technicien sur un son et lumière historique .

J’ ai découvert là une autre de mes vibrations intérieures . La création devenait plus vivante . Le public . Le partage . 

Et me voilà ce besoin d’ inventer moi aussi une histoire spectaculaire .

Ce fut la Majuscule . A l’ occasion d’ une exposition regroupant plusieurs artistes , j’ invente et construis une machine de 7,00m de haut, posée avec ses flotteurs sur un lac ….

C’ est au cours du vernissage dans la soirée que j’ en fit l’ allumage en mêlant création musicale, lumière et pyrotechnie  dans un petit son et lumière de 10 minutes.

Je ne le savais pas encore, mais pour la gestion des intervenants , prestataires et partenaires de cette expo , j’ apprenais du coup aussi un peu à être régisseur .

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En participant à une exposition à L’ Usine , squat collectif situé à Blagnac près de Toulouse , j’ ai eu le bonheur de rencontrer ce berceau de compagnies de théâtre de rue comme Le Phun , Katertone , Royal de Luxe , et des artistes plasticiens moins timorés que ceux que je connaissais jusqu’ alors .

Je m’ y plu . Et y retournais .

J’ ai vécu ensuite la bien riche expérience d’ être décorateur-constructeur pour Royal de Luxe et faire La Rue pour la tournée Cargo 92. Le sujet comme l’ équipe . Tout à fond.

Et pareil ensuite au sein de Katertone , acteur dans la création et la tournée du spectacle La Trace . Histoire détonante et poétique . Collective .

Avec Le Phun dans le spectacle La Vengeance Des Semis. Avec La Machine , compagnie de spectacles et d’ événements ,crée par François Delarosière . Puis de nouveau avec Katertone, lors de l’ ouverture des festivités pour l’ inauguration du tunnel sous la Manche à Calais .

Et là , le public est devenu foule .

Retour au Royal De Luxe ensuite comme constructeur manipulateur lors d’ une tournée de la saga des  Géants dans de grandes villes européennes et au Chili .

J’ oeuvrais aussi de temps à autres à des réalisations plus diverses en construction de décors , en architecture , pour le théâtre et le cinéma . J’ y perfectionnais là ma polyvalence .

Ces histoires représentent pour moi l’ école d’ art que je n’ ai jamais fréquentée . La richesse humaine en supplément . J’ ai pu y faire respirer mon propre élan créatif . Le nourrir . J’ y ai appris à chercher l’ essentiel . A découvrir et préciser mon style . A redéfaire ce qui ne me convenait pas . Je me suis frotté à la difficulté de la création en équipe . Découvrir de nombreuses techniques et combines . Et frissonner à la joie d’ un public , et à son énorme présence .

Les divers travaux de décoration architecturale que j’ ai pu réaliser ici et là au cours de ce  parcours , sont complètement imprégnés de ces expériences artistiques . Par les méthodes que j’ ai pu appliquer qui ressemblent moins à celles du monde du bâtiment qu’ à celles de l’ industrie , de la foire , et du cirque . Par la fantaisie qui peut permettre de décaler certaines rigueurs techniques et sortir des sentiers battus . En osant ce qui ne se fait pas , qui enrichi les propositions . Et aussi par la dimension humaine que je ne peux me résoudre d’ éviter . Me coller à la personnalité de mes clients . Inventer pour eux autant qu ‘ avec eux . 

Ma vie se rythme , chaque jour davantage , par une nécessité à être en phase le plus possible avec la nature . Je puise mon équilibre dans son contact sauvage et je m’ y ressource . La force des éléments et la délicatesse du vivant , en nourriture . Inspiration .

Mon atelier est dorénavant à la campagne .

Par cette connivence avec la nature , je garde une forte sensibilité pour les sujets écologiques . Ils tendent à prendre de plus en plus de place dans mon travail actuel . Au delà de la récupe et du recyclage qui m’ ont toujours animés , comme autant le refus d’ utiliser certains produits , je ressens maintenant le jardin comme un nouveau support d’ expression , proche , palpitant . Plus franc , plus vigoureux . Un nouvel élément à m’ empoigner .

Pas seulement une ambiance propice à la création, un autre continent en exploration ….

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Voici ici à suivre en quelques images des parties de mon travail , de mon univers , de ce qui m’ identifie , m’ anime . Ce que j ‘ aime et je suis .